La face cachée du cadeau de la fête des mères

Au départ, la maîtresse ou le maître avait une bonne idée pour le joli cadeau de la fête des mères. A l’arrivée, on sera proche du désastre.

1. Au départ, ton idée c’était une boîte de chocolats, aspect vieilli-vernis. Tu as investi la moitié de ta coopérative scolaire pour acheter des feuilles de papier Décopatch à motifs vintage.  Tu as emprunté la bouteille de vernis colle à ta collègue de grande section parce que la tienne a séché dans le placard. Tu imagines déjà la fierté des mamans offrant à leurs copines des chocolats dans cette magnifique création.
A l’arrivée, les élèves ont déchiré et collé le papier n’importe comment, puis ont badigeonné du vernis colle. Beaucoup de vernis colle. Impossible de mettre des chocolats dedans, ça sent aussi fort que le produit anesthésique chez le dentiste. Finalement, ce sera une boîte à camembert qui servira pendant quelques semaines à ranger des trombones et qui finira à la poubelle avant la fin de l’été.

2. Au départ, ton idée c’était un pot de fleurs en terre cuite, relooké façon marinière POP, avec de jolies lignes de couleurs pétillantes en alternance, tracées au pinceau n°10, dans lequel les élèves ont planté des pensées.
A l’arrivée, ce sera un pot, qui servira à ranger le balai brosse dans les toilettes. En cours de réalisation, les élèves ont oublié la consigne et ont fini par mélanger les couleurs pour en faire un maronnasse dégueulasse. En plus, tu ne t’es pas mis synchro avec ton ATSEM : le terreau a été trop arrosé. Les fleurs ont crevé. Et toi aussi !

3. Au départ, ton idée c’était un joli empilement de galets peints et décorés de graphismes, collés les uns sur les autres, du plus grand au plus petit, pour servir de presse papier, cale porte, objet de décoration tendance, symbole du zen et du bien-être.
A l’arrivée, c’est exactement ça ! Et c’est très réussi ! Il faut dire que ça fait 20 ans que tu fais la même chose ! Chaque mois d’août, pendant tes vacances à Fouesnant dans la maison de famille, tu terrorises Jean-Mi pour qu’il t’aide à ramasser des galets sur la plage des Dunes. Le soir venu, devant un kir breton, vous les triez ensemble pour ne garder que les plus lisses, puis tu les mets dans un sac Carrefour que Jean-Mi va porter dans le coffre de la 308, en pestant parce que ça pèse une tonne : « Ça va s’arrêter quand ces conneries ? Peut pas faire une simple carte de fête des mères comme tout le monde ! »

4. Au départ, ton idée c’était un dessous de plat en pinces à linge peintes de toutes les couleurs, tel un éventail exotique invitant à s’installer autour de la table pour savourer un bon repas en famille tout en beauté. Tu as retiré la pièce centrale en fer de chaque pince. Chaque élève les a bien collées dos à dos, puis tu as assemblé toi-même les paires deux par deux pour faire un rond. Chacun de tes élèves s’est appliqué avec entrain pour peindre et vernir avec soin son dessous de plat.
A l’arrivée, ce sera un dessin au feutre sur feuille A4.  Au moment d’emballer les dessous de plat, toutes les pinces se sont détachées. Tu n’aurais jamais dû utiliser cette colle liquide à base d’amidon végétale biodégradable, non toxique, conseillée par ta collègue écolo. Tu n’as plus le temps de recommencer et comme tu as enlevé le système des pinces, on ne peut même plus les offrir comme cadeau original pour étendre le linge. Triste d’être aussi médiocre manuellement et si piètre pédagogiquement, tu te consoles en te disant que de toute façon, tu n’aurais pas eu un seul remerciement des mamans lundi matin.

5. Au départ, ton idée c’était un bocal customisé Shabby chic. Chaque enfant dégraisse, applique une couche de peinture Chalky effet craie (teinte beige topaze) sur son petit pot puis ponce légèrement. A l’aide d’un tube de colle forte, chacun customise avec des galons, du ruban ou du masking-tape. Une superposition de fleurs en crochet pourra habiller le couvercle à merveille.
A l’arrivée, tu as refilé la préparation du cadeau de fête des mères à ta jeune collègue Sophie qui fait ta décharge le lundi. C’est la règle du P.I.B. chez les profs : Privilège Indéniable du Barème