Ces expressions qui montrent que ton conseiller pédagogique fait du mal aux mouches

Pénétrons dans la salle 16 de la Direction des Services Départementaux de l’Education nationale. L’animation pédagogique va commencer.

Le conseiller pédagogique accueille les enseignants et leur annonce le programme de la journée. Il sent soudain quelque chose qui vibre à côté de son oreille. Une mouche.
– Mais tu es une petite coquine toi, se dit le formateur avant de commencer son intervention :

– Bien chers collègues, je vais commencer en posant le prescrit
Et paf. Pas de préliminaires. Laurent attaque direct avec cette magnifique expression : poser le prescrit. Avant il aurait rappelé les textes du Bulletin Officiel, mais ça c’était avant. Aujourd’hui, on rappelle ce qui est consigné par écrit en posant un prescrit. Une expression plus conviviale, moins ampoulée que la précédente, et qui a l’avantage de pouvoir être ré-utilisée dans la vie quotidienne :
– Chérie, je passerai à Carrefour après le boulot. Y’a besoin de quelque chose ?
– Va voir dans le cuisine, j’ai collé un prescrit sur le frigo.

Mais ne perdons pas de temps. D’autres mouches veulent jouer à leur tour. Alors vite, Laurent enchaîne et présente des outils qui font le lien entre l’école et la famille. Cahier de vie ? Portfolio ?
– Tout ce que vous voulez, précise le conseiller pédagogique, le plus important étant que l’apprenant soit placé en posture d’enfant-médiateur.
Alors toi aussi, épate l’A.T.S.E.M. qui travaille avec toi :
– Sophie, tu as terminé de coller les feuilles dans le cahier de vie ?
– Lesquelles ? Celles avec les traces de doigts ?
– Oui. Les enfants vont repartir avec ce soir. J’ai tellement hâte qu’ils jouent pleinement leur rôle de messager de la cognition, de médiateur des apprentissages.

De retour de la pause, Laurent présente à l’aide d’un extrait vidéo le travail mené par une équipe d’enseignants sur l’auto-évaluation en lecture. Pendant la projection, il regarde d’un air mi-lubrique, mi-pédagogique, la mouche qui vient flirter à côté de lui. Au terme de l’extrait, il reprend la parole :
« C’est un projet qui est perfectible bien sûr, analyse Laurent, c’est complètement plastique.« 
En arts plastiques ? Je croyais que c’était en lecture…
Mais non c’est le projet qui est plastique, ce qui signifie qu’il peut évoluer, prendre d’autres formes, changer de direction. En un mot, plastique.
– Oui, ce qui est un peu la définition même d’un projet.
– Ah ben oui en fait.

Elles adorent ça les mouches, et elles en veulent encore. Heureusement, Laurent est en forme, en très grande forme même. La preuve : un débat s’installe sur l’aménagement de la classe, chacun y allant de ses constats et propositions.
– Notre salle de motricité est trop petite, regrette Martine.
– Le couloir d’entrée de notre école manque de lumière, complète Nicolas.
– On voit bien à vous écouter, synthétise Laurent en gonflant la poitrine, que dans chacune de vos écoles, on peut encore perfectionner l’architectonique.

L’ambiance devient vraiment torride. Laurent est à son maximum. D’ailleurs il sait qu’il n’ira pas plus loin aujourd’hui. C’est le moment d’en finir.
Fin d’après-midi. Notre formateur clôture la journée de formation :
– Merci à tous pour votre participation.
Impossible de terminer ce stage par une phrase aussi simple. Laurent a une réputation à tenir. Heureusement, une mouche pénètre dans la pièce par la fenêtre entre-ouverte. Elle ne va plus voler droit très longtemps la mouche. – C’était vraiment intéressant de croiser nos regards pendant cette journée. J’espère vraiment que cela aura un impact sur le réel.

Paf. Deux expressions d’un coup. double péné. La mouche est sous le charme. Laurent sort sur le parking, allume une cigarette, regarde l’insecte droit dans les yeux et lui dit :
– Alors, heureuse ?